RETRAITE et PREVOYANCE

Anticiper votre retraite , une des clés de la gestion de votre patrimoine !

La retraite se prépare dès 40 ans ! Jean-Denis Errard, pour Enjeux Les Echos

La dégradation des régimes de répartition fragilise le niveau futur des pensions. Les cadres doivent dès maintenant épargner pour préserver leur pouvoir d’achat. Voici les conseils à suivre et les produits à privilégier. Une enquête pour Enjeux Les Echos. 

«Quatre points clés pour garantir ses futures pensions»*

« En matière de préparation de la retraite, j’insiste sur quatre idées-force :
1. Se préparer dès 35 ans. En mettant de côté 100 euros par mois à partir de 45 ans sur son assurance-vie, on obtiendra 109 euros de rente à 67 ans. Commencée à 35 ans, elle atteindra 185 euros !
2. Profiter de l’effet de levier fiscal si vos revenus sont importants. Le Perp et le « Madelin » (pour les indépendants) permettent en effet une déduction, donc une économie d’impôt qui peut atteindre jusqu’à 45%.
3. Diversifier les placements.
4. Anticiper la dégradation des régimes de retraite. A 45 ans aujourd’hui, considérez que les simulations sur votre niveau de revenu surestiment de 15 à 20% ce que vous aurez à 67 ans. L’allongement de la durée de vie fausse toutes les hypothèses ! Les cadres salariés doivent faire leur deuil du régime Agirc-Arrco s’ils veulent éviter une forte désillusion. »
*Olivier Mariée Directeur des activités épargne d’Axa France

 Plan de l’article

Préliminaires : Retraite : la préparer dès que possible ! 

1/ Les préalables : un toit, du rendement et des garanties

2/ L’assurance-vie pour tous, le Perp pour les plus aisés

3/ L’épargne salariale, même pour les indépendants

Retraite : la préparer dès que possible ! – Shutterstock

« La perception que les Français ont de leur future retraite est complètement fausse ! » P. J, ne fait pas dans la nuance. Ce spécialiste s’avoue sidéré par l’ignorance des quadras et des quinquas qui viennent le consulter. Peu d’entre eux, en effet, ont réellement conscience que la situation actuelle ne peut servir ni d’exemple ni de référence pour leur retraite : il est évident que les générations prochaines ne pourront pas prétendre aux niveaux de pension actuels « Ils n’ont pas réalisé que l’âge légal de départ est passé à 67 ans et ils sous-es­timent la dérive des régimes par répartition », explique notamment P J.

L’allongement régulier de la durée de vie – environ un trimestre par an – et la dégradation du rapport entre le nombre d’actifs cotisants et celui des retraités pensionnés déséquilibrent mécaniquement les finances des caisses de retraite. Aujourd’hui, un cadre moyen de 55 ans, dont la rémunération nette mensuelle s’élève à 3 000 euros, obtiendra une pension de l’ordre de 53% de son revenu, soit environ 1 500 euros. Plus les salaires sont élevés, plus ce taux dit « de remplacement » diminue, jusqu’à descendre autour de 32% pour les cadres supérieurs. Résultat : pour obtenir les quelque 1 500 euros nécessaires au maintien de son train de vie, notre cadre de 55 ans – dont l’espérance de vie l’emmènera à 85 ans – aurait dû s’y prendre trente ans auparavant !

En outre, « il convient d’actualiser ses anticipations tous les cinq ans, en suivant l’évolution des régimes obligatoires de retraite », ajoute Olivier Mariée, directeur des activités épargne d’Axa France. Ainsi, la récente décision des caisses Agirc-Arrco de ne plus revaloriser les retraites servies au niveau de l’inflation a brisé le tabou de la protection du pouvoir d’achat que bien des retraités considéraient comme un droit acquis. Un premier et sérieux avertissement qui peut en amener d’autres ! D’où la question essentielle, pour les futurs retraités : comment préserver, plutôt que subir ? Comment sécuriser son niveau de vie, plutôt que subir la dégradation constante des régimes légaux de retraite ?

1/ Les préalables : un toit, du rendement et des garanties

D’abord, il faut respecter une règle de base, insiste Christian Pruvost, responsable du développement de l’assurance-vie chez Natixis Assurances : « Commencer par acquérir son habitation principale, quitte à prendre une surface plus petite lors de la retraite afin d’accroître sa réserve financière. »

Ensuite, il faut savoir que l’épargne retraite que l’on constitue soi-même (capitalisation) n’est pas tributaire des mêmes paramètres que celle obtenue par les régimes obligatoires (répartition), fondés sur le transfert entre actifs cotisants et retraités. Tout va dépendre du niveau et de la durée de l’effort personnel consenti pour mettre de l’argent de côté ainsi que du rendement de cette épargne. Logiquement, celui qui place ses ressources dans une optique de « sécurité » mettra évidemment beaucoup plus de temps à doubler son capital que celui qui prend des risques en misant sur des fonds boursiers. En trente-cinq ans, sur la base d’un rendement moyen de 5%, soit la performance moyenne de la Bourse sur longue durée, on peut espérer multiplier par 5,5 son capital de départ. Avec des placements monétaires et obligataires, dont les rendements sont plutôt proches de 2%, on ne fera que le doubler. Et rappelons que le risque boursier est nettement moindre à un horizon de plus de dix ans – ce qui est le cas dans une optique de retraite – qu’à court terme.

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2/ L’assurance-vie pour tous, le Perp pour les plus aisés

Des choix s’imposent cependant. Vous préférez une solution qui vous laisse une grande liberté ? C’est-à-dire pouvoir épargner à votre gré puis, une fois à la retraite, piocher dans le capital ? L’idéal, c’est l’assurance-vie. Avec elle, chacun accumule le capital à son rythme puis, le moment venu, demande à l’assureur de programmer des retraits du montant qui lui convient. Avec un avantage non négligeable : il est possible d’augmenter le niveau des retraits si nécessaire (par exemple lorsqu’il faudra régler les frais d’une résidence retraite) et le capital restant est transmissible aux bénéficiaires désignés sans droits de succession dans la plupart des cas.

Comme le souligne Natacha Moinard, responsable marketing épargne et retraite de Swiss Life, « l’assurance-vie reste la solution d’épargne préférée parce qu’elle permet de préparer différents projets, de moyen ou long terme ». « Mais attention, fait-elle observer, rien ne dit que vous aurez accumulé assez de capital si vous vivez longtemps. » D’où l’intérêt, rappelle cette spécialiste, d’envisager une rente, versée jusqu’à la fin de la vie. Mais cette option impose de céder le capital accumulé à une compagnie d’assurance et donc d’« aliéner » l’argent, ce que n’apprécient pas forcément les héritiers ! En outre, le calcul de la rente, le moment de la retraite venu, n’est pas toujours transparent. Que vous garantit l’assureur ? C’est une question clé qui mérite des réponses précises, sachant que les documents contractuels ne sont pas toujours très limpides !

A grand renfort de publicité et de marketing, banques et assureurs vantent le plan d’épargne retraite populaire (Perp), né il y a dix ans dans le cadre de la loi Fillon. L’épargne stockée sur ce compte va obligatoirement déboucher sur une rente viagère, portant sur au moins 80% du capital acquis (sauf circonstances particulières, où l’on peut reprendre la totalité du capital). L’épargne est en général bloquée jusqu’à la cessation d’activité et s’accompagne d’une déduction fiscale. « Compte tenu de cette contrainte de blocage, le Perp n’a vraiment d’intérêt que pour les hauts revenus taxés à plus de 30% », estime Nathalie Ducrocq, directrice adjointe de la stratégie commerciale du groupe Le Conservateur, à l’unisson de la plupart des professionnels. Renseignez-vous bien, également, sur le niveau de la rente servie en proportion de l’effort d’épargne. Car – et c’est là un défaut important du Perp – la loi ne permet pas de garantir dès le départ le barème de mortalité, utilisé pour déterminer l’espérance de vie à un âge donné, qui servira au calcul de cette rente ! Enfin, il ne faut pas oublier que celle-ci est imposable.

Les professions libérales, les artisans, les commerçants peuvent, quant à eux, profiter des contrats « Madelin », réservés aux travailleurs indépendants. Les grandes lignes sont identiques : l’épargne capitalisée débouche sur une rente viagère taxable et offre des avantages fiscaux qui justifient son intérêt pour les hauts revenus. Là encore, il est important d’obtenir, dès la souscription, une garantie sur ce fameux barème de mortalité. Mieux vaut préférer celui établi par l’Insee, plutôt que ceux proposés par l’assureur ! Comparée au régime des salariés, la retraite Madelin présente un avantage : la réversion à 100% au conjoint, sans conditions, là où en général les régimes obligatoires ne prévoient que 60-65%. Enfin, attention aux engagements de versements programmés car, comme avec le Perp, s’il y a de bons « Madelin », il en existe aussi beaucoup de très mauvais ! La pratique dite du précompte, qui permet au courtier d’encaisser la première année toutes ses commissions à venir, ronge ainsi d’entrée une bonne part de votre épargne.

Pour les salariés, un type d’assurance-vie similaire, dite « article 83 » – par référence au code général des impôts – peut-être envisagé. Dès lors qu’un accord d’entreprise le permet, une part de la rémunération, abondée par l’entreprise, va s’accumuler sur un contrat d’assurance-vie collectif. Mais la sortie, lors du départ en retraite, ne peut se faire qu’en rente viagère.

3/ L’épargne salariale, même pour les indépendants

Autre opportunité, très intéressante grâce à l’effet de levier de la déduction fiscale : l’épargne salariale, lorsqu’un accord de participation a été signé dans l’entreprise. Il est alors possible de mettre de l’argent de côté avec un abondement de la société pouvant aller jusqu’à trois fois la mise ; sous la forme d’un plan d’épargne entreprise (PEE), qui va permettre des retraits quasiment exonérés d’impôts cinq ans après, ou sous celle d’un plan d’épargne retraite collectif (Perco), qui va se déboucler à la retraite.

Les indépendants (professions libérales, artisans, commer­çants…) peuvent bénéficier d’un PEI ou d’un Percoi, le i signifiant interentreprises. Là encore, le choix du gestionnaire est important car les grandes banques ne sont pas toujours très performantes. Debory est un spécialiste qui s’est construit une solide réputation, en permettant l’accès aux meilleurs gestionnaires de fonds boursiers, alors que les banques ne proposent que les fonds maison, pas toujours bien gérés. Son associé fondateur, Olivier de Fontenay, explique ainsi que tout dirigeant d’une petite société, en particulier familiale, peut recourir à cet instrument d’épargne défiscalisée dès lors qu’il emploie un salarié, même à

mi-temps. Autre conseil pour les salariés : penser au rachat de trimestres – jusqu’à douze – à l’approche de la retraite. Ce rachat correspond aux cotisations de Sécurité sociale qui auraient été prélevées en période d’activité. Mieux vaut s’assurer cependant que le jeu en vaut la chandelle en réalisant une simulation via le site de l’Assurance retraite. A noter que le rachat, lui aussi, est fiscalement déductible. Il est également possible de racheter des points auprès des régimes de retraite complémentaire Agirc-Arrco. Renseignez-vous auprès de votre caisse de retraite.

Enfin, soulignons l’intérêt du plan d’épargne en actions (PEA) qui peut déboucher sur une rente viagère exonérée d’impôt. Le mieux est de souscrire auprès d’une compagnie d’assurance ou d’une mutuelle un « PEA assurance », à savoir un plan qui va intégrer un contrat de capitalisation basé sur des Sicav boursières. La valeur acquise au moment de la retraite sera convertie en rente jusqu’à la fin de vos jours. 

«Attention aux charges dans limmobilier locatif»*

«  L’immobilier n’est plus aujourd’hui un vrai actif de rendement. Il est intéressant d’acquérir à crédit des murs qui ont un potentiel de valorisation parce que vous faites travailler à votre profit de l’argent qui appartient à une banque. Mais ce n’est pas forcément le meilleur choix pour la retraite. La gestion des impayés, les changements de locataires, les charges d’entretien et de rénovation des biens, les assurances, tout comme les taxes foncières contribuent à baisser le rendement final net de toutes charges. Nous avons reçu récemment un client qui avait beaucoup investi en locatif et qui pensait ainsi avoir un bon rendement. Après intégration de toutes ses charges, de ses impôts et de ses prélèvements sociaux, il ne lui restait réellement que 1,44% net. Il est possible de trouver des placements financiers qui rapportent plus et sans gestion. A la retraite, le rendement de ses avoirs n’est pas toujours le critère numéro 1. Le confort prime également et dans ce cas, le locatif n’est pas toujours le choix idéal. »
*Pascal J.