Préliminaire : cet article sur l’indivision n’a pas vocation à être exhaustif mais seulement un point d’alerte. Il a notamment pour objectif de vous informer, de prévenir les risques de l’indivision et de proposer quelques pistes pour en sortir ou mieux encore d’anticiper pour ne pas être confronter à cette situation. A travers les dossiers que je traite, je rencontre trop de situation bloquante suite à un manque d’information de la part des familles ou manque d’échange entre les membres. L’anticipation reste le maître mot en gestion de patrimoine. Le notaire et l’avocat spécialisé en droit de la famille vous accompagnent pour mettre en place ces solutions.
Après une rapide introduction sur l’indivision, nous ne traiterons que de l’indivision successorale : comment en sortir, puis comment l’éviter.
L’indivision est un régime juridique au sein duquel les indivisaires sont propriétaires en commun de biens sur lesquels ils ont les mêmes droits et même obligations. Ils détiennent une quote-part égale ou inégale mais non identifiable matériellement à la différence du détenteur de parts sociales ou d’actions dans une société. Aucun n’a un droit exclusif sur le bien.
Pour rappel en cliquant sur ce lien : un article de janvier 2022 sur la succession
Cette indivision peut résulter de différentes origines :
- Soit d’une origine légale, l’indivision successorale, la plus fréquente faisant suite au décès mais aussi l’indivision post-communautaire suite à la dissolution d’un régime matrimonial communautaire, l’indivision des biens acquis par des partenaires de Pacs soumis au régime de l’indivision des acquêts ou de l’indivision des biens présumés indivis en l’absence de justificatifs de propriété exclusive.
- Soit d’origine conventionnelle, l’indivision est alors issue du choix des parties et concerne notamment les personnes en union libre ou concubinage.
Synthèse
Est-ce possible de sortir d’une indivision ?
Oui, et vous pouvez le faire à tout moment. L’article 815 du code civil énonce que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué ». Quelles que soient vos raisons (financière, familiale…), si vous désirez avoir un patrimoine totalement indépendant afin de le gérer globalement selon vos propres objectifs, différentes solutions s’offrent à vous:
– Effectuer le partage : Les autres héritiers ont le même souhait que vous. Après avoir évalué les biens de la succession et établi la part qui revient à chacun, vous pouvez : tout vendre et répartir entre vous le prix obtenu ou, vous partager les biens. Il faut alors établir des lots de façon que chacun reçoive sa part. Si le patrimoine détenu en commun ne le permet pas, vous pouvez rétablir l’équilibre : celui qui reçoit plus que sa quote-part indemnise l’autre en lui versant une somme d’argent (soulte).
– Vendre vos parts à un autre indivisaire
–Vendre le (ou les) bien(s) à un tiers extérieur si aucune autre solution n’a été trouvée après autorisation de la justice.
Pourquoi anticiper l’indivision ?
L’indivision est rarement optimale pour la gestion de patrimoine des indivisaires. Chacun d’entre eux a une situation financière, fiscale et familiale particulière, qui peut être très différente de celle des autres. Même en l’absence de conflit, la gestion de la propriété commune repose sur un compromis qui peut être écrit dans une convention d’indivision qui fixe les grandes règles de gestion du bien.
Afin d’éviter cette situation, les parents peuvent anticiper soit en effectuant des donations-partages de leur vivant , ou encore via des legs dans un testament.
L’indivision successorale n’a pas vocation à rester pérenne. Si l’indivision a le mérite d’exister et de laisser un large choix pour les partages futurs et aussi de ne pas créer de distorsion entre les héritiers, l’indivision doit rester une situation temporaire.
C’est pour chacun des indivisaires une période faite de compromis et qui met au second plan les objectifs patrimoniaux propres à chacun. En effet, la situation de chacun diffère tant sur les plan fiscal et financier que sur le plan familial. La première démarche est de mettre en place une convention d’indivision qui va permettre de gérer les indivisions et de régler la majeure partie des problèmes de gestion au quotidien comme l’entretien, le paiement des factures.
En dehors de la maison de famille qui peut être gérée avec une convention d’indivision, la lourdeur de la gestion et le manque de perspectives peuvent inciter à en sortir rapidement.
En tant qu’héritier, vous avez la possibilité de sortir de l’indivision. L’article 815 du code civil rappelle que ‘’nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision’’.
Comment en sortir et comment anticiper pour ne pas se retrouver en situation d’indivision ?
1– Sortir de l’indivision
Il est possible d’en sortir à tout moment librement en demandant le partage de la succession – cette possibilité est offerte à tout moment sans avoir à en justifier la raison – sauf dans le cas particulier où il peut y avoir un sursis au partage demandé au juge par un des indivisaires pour une durée maximale de 2 ans (C.civ. art. 820) notamment concernant des entreprises individuelles ou des titres de sociétés.
En demandant le partage de l’indivision
- Le partage peut être amiable : les modalités sont déterminées d’un commun accord entre les parties. S’il porte sur des immeubles ou des droits immobiliers, soumis à publicité foncière, le partage doit obligatoirement prendre la forme d’un acte notarié. Le partage peut être total ou partiel et laisse subsister une partie en indivision.
- Le partage peut être judiciaire auprès du Tribunal de grande instance compétent – celui du domicile du défunt pour l’indivision successorale.
Lorsque plusieurs indivisions existent entre les mêmes héritiers, un partage unique peut intervenir (C. cassation civil – art. 840.1). En cas de donation par un indivisaire de ses droits indivis à ses enfants, celle-ci sera subordonnée au résultat du partage.
En vendant vos parts aux autres indivisaires : Les indivisaires ont un droit de préemption sur l’achat de votre part de façon individuelle ou à plusieurs. S’il s’agit d’un bien immobilier, la vente devra être réalisé devant un notaire. L’acheteur devra acquitter le droit de partage de 2.5%. On utilise le terme de licitation entre les membres de la famille : vente de la part d’un indivisaire contre une somme d’argent correspondant à sa part dans la succession, mais que l’indivision subsiste encore entre les autres indivisaires – la licitation peut être amiable (vente de gré à gré) ou judiciaire en cas de désaccord. Lorsqu’un indivisaire souhaite vendre sa part, les autres indivisaires sont prioritaires et il doit les aviser de son intention de vendre en précisant par acte d’huissier les conditions de vente. Ou le notaire peut être nommé et chargé du partage. Si l’indivisaire vend sa part sans en informer les autres, la vente est nulle.
En vendant le bien indivis
Parfois, les indivisaires ne s’entendent pas du tout et l’accord à l’unanimité est requis pour les grandes décisions comme la cession d’un bien immobilier. Aussi il est urgent de sortir.
Soit un indivisaire peut forcer le partage en posant un recours en justice
Soit à la demande des 2/3 des droits des indivisaires, il est possible de demander la vente d’un bien en indivision qui peut être autorisée par voie judiciaire.
Pour préparer cette étape, il est conseillé de se faire accompagner par un avocat spécialisé en droit de la famille.
2- Eviter cette indivision, il est possible d’organiser cette transmission en amont avant le décès.
- La SCI, société civile immobilière a des atouts du vivant des parents. Ils pourront donner soit la nue-propriété ou/et des parts de la SCI et continuer à gérer la SCI et à en recevoir les fruits. Mais elle a ses limites puisque après le décès des parents, tous les héritiers se retrouvent à gérer un patrimoine commun.
Deux solutions pour éviter cette situation :
Soit vendre le bien, puis faire une donation aux enfants
Soit créer une SCI par enfant dont les associés seraient l’enfant couplé avec le/les parents. La répartition des parts peut évoluer dans le temps et il est aussi possible d’effectuer un démembrement tout en concernant la gestion du ou des biens
- Le testament permet d’organiser de son vivant la transmission et la répartition du patrimoine et ainsi d’éviter les éventuels conflits familiaux liés à l’indivision. Il est conseillé de rédiger le testament sous forme authentique devant un notaire afin d’éviter les écueils. Il faut respecter la part réservataire pour les enfants.
Il a vocation notamment à contenir des legs qui peuvent être assortis de conditions et/ou de charges. Il a de nombreux objectifs : avantager un enfant, avantager le survivant du couple, équilibrer les rapports ou répartir les biens pour éviter les conflits, conférer des droits dans la succession à ceux qui n’en n’ont pas…. Sur le plan fiscal, le legs permet d’éviter le paiement du droit de partage sur les biens légués qui est actuellement de 2.5% et qui vient s’ajouter aux droits de succession.
Le legs est une libéralité qui ne produit ses effets qu’au décès du testateur. Par cette disposition, le testateur désigne la ou les personnes qui seront gratifiées, à son décès, d’une partie ou de la totalité de son patrimoine
Les droits et obligations des bénéficiaires sont différents selon qu’ils sont bénéficiaires d’un legs universel (vocation à la totalité de la succession), à titre universel (vocation à une quote-part de la succession) ou particulier (porte sur un ou plusieurs biens identifiés). En présence de réservataire, seule une partie des biens, appelée « quotité disponible » peut être léguée selon la volonté du testateur.
- Les libéralités-partages
Lorsqu’une personne fait la distribution et le partage de ses biens entre ses héritiers présomptifs, elle réalise une libéralité-partage. C. civ. art. 1075. Cette libéralité peut prendre la forme d’une donation (on parle alors de donation-partage) ou d’un testament (il s’agira alors d’un testament-partage).
- La donation-partage permet au donateur de transmettre tout ou partie de son patrimoine par anticipation, tout en procédant personnellement à la répartition et au partage. C’est un acte de prévoyance familiale : le donateur organise, de son vivant, la répartition de ses biens entre ses héritiers présomptifs, de façon immédiate et irrévocable. C’est une donation et un partage anticipé. Les biens inclus dans la donation-partage ne font donc pas partie de l’actif civil successoral.
La donation-partage a l’avantage de figer la valeur des biens, sans remise en cause ultérieure au moment de la succession dès lors que tous les enfants ont été allotis. Elle permet ainsi d’éviter le mécanisme du rapport.
En revanche, elle ne permet pas d’éviter le mécanisme de la réduction. Elle reste prise en compte afin de vérifier que la réserve héréditaire a été respectée. Dans ce cas, c’est la valeur des biens au jour de la donation-partage qui est retenue, et non celle au décès.
La donation-partage est en principe soumise aux droits de mutation à titre gratuit et notamment à la règle du rapport des donations consenties moins de 15 ans avant le décès). Les éventuelles soultes que se versent les bénéficiaires ne sont pas taxables et le droit de partage n’est dû que dans certains cas.
La donation-partage permet d’anticiper le règlement de la succession et ainsi d’éviter un acte de partage ultérieur si tous les biens ont déjà été donnés et partagés. La donation-partage est donc un excellent outil pour transmettre son patrimoine dans les meilleures conditions.
- Le testament-partage
Le testament-partage est l’acte unilatéral par lequel une personne répartit ses biens entre ses héritiers présomptifs ou entre des descendants de degrés différents. Attention : ce sont uniquement des biens propres et non communs !! Le testament-partage ne produit aucun effet. Il peut être révoqué à tout moment.
Dans la pratique : le testateur doit veiller à soigner la rédaction de ses dernières volontés pour écarter tout risque de velléités d’interprétation. Il est préférable de déclarer expressément procéder au partage des biens si l’on souhaite réaliser un testament-partage.
Le testament-partage ne déroge pas aux règles de dévolutions légales, il ne fait qu’organiser le partage des biens de la succession. En principe, tous les héritiers réservataires doivent être appelés. A défaut, l’héritier oublié peut intenter une action en réduction à compter du décès du testateur. En revanche, la renonciation vaut renonciation à la succession.
Les bénéficiaires du testament-partage n’ont pas la qualité de légataires mais celle d’héritiers, ce qui emporte 2 conséquences : ils ne peuvent pas renoncer au legs afin d’obtenir un nouveau partage de la succession ; ils peuvent demander la réduction du legs qui porte atteinte à leur part réservataire.
Le testament peut porter sur les biens présents et à venir du testateur. Comme pour les donations-partages il peut porter sur l’ensemble des biens ou seulement sur une partie. A sa mort, ceux qu’il n’aura pas compris dans le partage testamentaire seront dévolus et partagés conformément aux règles de la succession ab intestat.
C.Civ., art. 1075-5
Le testament partage donne lieu au paiement des droits de succession et au droit de partage de 2.5% .
Pour finir, avant de vous lancer, précisez bien vos objectifs. Le testament partage n’a pas que des avantages. Peut-être que des legs seraient plus adaptés car la démarche est plus simple : les légataires peuvent renoncer au legs et redevenir héritier selon la dévolution successorale. En cas de leg, les droits de partage ne sont pas dus ! En fait, la rédaction du testament devra être très clair afin d’écarter tout risque de velléités d’interprétation.